Paulin Ratier, fondateur de l'entreprise.

 

Photo de classe vers 1890. Paulin est tout à gauche. Paulin Ratier est né à Montmurat (Cantal) le 27 janvier 1875. Ses parents sont des agriculteurs petits propriétaires dont les familles habitent le même village depuis plusieurs générations. Il fréquente l'école de Montmurat plutôt assidûment et sera l'un des rares enfants de la commune à obtenir, en 1886, le Certificat d'Études Primaires. Il continue d'aller à l'école jusqu'à 14 ans.
Bien que recensé comme agriculteur en 1891, c'est la profession de menuisier qu'il déclare lors de son incorporation en 1896, année de ses 21 ans. On peut supposer qu'il tient d'Antoine Couderc, son grand-père maternel qui était menuisier-charpentier, son intérêt pour le travail du bois, et qu'il a fait l'apprentissage de ce métier dans la région.


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Paris : la mairie du XVIII<SUP>e</SUP> vers 1902 À l'issue de ses trois ans de service militaire, il est libéré avec le grade de caporal en octobre 1899.
Son père décède en décembre de la même année. Laissant la propriété familiale aux soins de son frère cadet et de sa mère, Paulin "monte à Paris" pour y travailler.
Il y devient ébéniste, et le 14 octobre 1902 il épouse Léonie Ratié à la mairie du XVIIIe. C'est une cousine éloignée, originaire comme lui de Montmurat, qui habite dans cet arrondissement et travaille comme lingère.
Le couple s'installe dans le XVe et c'est là que naît leur premier enfant, René, en 1903.


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Carte commerciale vers 1912 En 1904, à la naissance de leur deuxième enfant, Pierre, le couple habite Malakoff, en proche banlieue. En 1905 Paulin prend un bail au 55 de la rue Chauvelot pour s'installer à son compte.
Il se spécialise dans la fabrication de boîtiers pour appareils électriques puis ajoute à ses activités celles d'une scierie mécanique.
Sans abandonner ces activités traditionnelles, il se lance en 1910 dans la fabrication en série des hélices "Rapid" en association avec Bertrand Montet, ingénieur des Arts & Métiers et détenteur de la marque.
En 1912 Paulin obtient à l'Exposition Internationale des Arts du Travail une médaille d'argent qui récompense la qualité de ses ébénisteries.


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Ordre de mobilisation générale du 2 août 1914 Les commandes augmentent et les locaux de Malakoff deviennent trop petits. Paulin achète un grand terrain à Montrouge, commune voisine, au 155 Route de Châtillon. Il y fait construire des ateliers plus vastes et plus modernes en 1913.
 
Un an plus tard, c'est la première guerre mondiale.
 
Paulin, mobilisé, doit rejoindre son affectation de même qu'une grande partie du personnel. L'entreprise est désorganisée mais après trois mois de quasi inactivité, le travail reprend.


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Atelier d'hélices Ratier vers 1917 L'association avec Montet arrive à son terme fin 1914. Paulin Ratier, qui ne veut pas aliéner à nouveau sa liberté d'entrepreneur, refuse début 1915 une association que lui propose Louis Breguet mais passe cependant des accords avec lui.
Il s'agit de la construction d'éléments d'avions et de la fourniture d'hélices que Paulin, dégagé de ses obligations vis-à-vis de Montet, fabrique désormais sous sa propre marque.
La Maison Ratier devient fournisseur de l'Aviation Militaire et Paulin se retrouve mobilisé dans sa propre entreprise en tant qu'affecté spécial.
Pendant toute la durée du conflit, il va multiplier les démarches auprès des autorités militaires pour que ses anciens compagnons et ouvriers qui ont été mobilisés puissent revenir dans l'entreprise sous ce statut.


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Papier commercial de la Maison De Rouget dans les années 10 L'entreprise utilise beaucoup de bois, surtout du chêne, du hêtre et du noyer. Pour s'approvisionner, Paulin Ratier, loue la scierie de Monsieur Eugène de Rouget à Figeac, quai des Cordeliers dans le quartier du Pont du Guâ. Il l'achète peu après, ainsi qu'un terrain mitoyen.
C'est là qu'est née à Figeac l'usine Ratier dite, plus tard, "Figeac-Ville". D'abord cantonnée à la fourniture de bois pour alimenter la maison mère en région parisienne, diverses fabrications y sont produites à partir de 1919, mais aucune hélice en bois n'y sera fabriquée.


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Pierre et René derrière l'usine vers 1919 Ratier fournit à Breguet toutes les hélices d'essai et la plupart des hélices pour les séries d'avions de ce constructeur.
Il fabrique aussi une grande quantité de voilures, d'abord pour des avions à moteur propulsif, puis pour les Breguet XIV.
Quant à l'ébénisterie pour appareils électriques, elle n'est pas abandonnée : l'armée a besoin de postes téléphoniques, de standards et d'appareils divers. Ratier fabrique les boîtiers qu'il livre aux grands acteurs de ce domaine : AOIP*, Thomson Houston, Le Las, ...
Fin 1918, avec l'arrêt des hostilités, c'est aussi celui des commandes. Une fois exécutés les ordres en cours, l'activité aéronautique retombe à un niveau d'autant plus bas que les militaires ont des stocks très importants. L'entreprise survit grâce à ses activités traditionnelles mais une grande partie du personnel quitte la Maison au cours de 1919.
 
* Association des Ouvriers en Instruments de Précision.


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Léonie Ratié En août 1920, son épouse Léonie décède brutalement, laissant un immense vide dans la famille et deux enfants encore mineurs. Au-delà du chagrin, cela provoque des complications légales car Léonie et Paulin s'étaient mariés sans contrat, donc, à l'époque, sous le régime de la communauté.
Or cette communauté a des dettes, car à la baisse d'activité s'ajoute le problème des impôts : le chiffre d'affaire a beaucoup augmenté pendant la guerre, mais Paulin a sans cesse réinvestit dans l'entreprise. Ceci n'est pas pris en considération, et il n'a pas la trésorerie nécessaire pour faire face.
Il essaye de temporiser mais finira par être obligé de vendre ses grandes installations du 155 avenue de Châtillon pour acheter un terrain plus petit au 97 de la même avenue et y faire construire une usine davantage tournée vers la mécanique. Il s'y installera en juillet 1923.


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Publicité Ratier vers 1924 En bon entrepreneur, Paulin sait s'entourer des compétences nécessaires. Il s'attache les services de Jules Deshayes, ancien chef de piste chez Breguet, et d'un jeune autodidacte, Paul Dreptin, féru de mécanique et brillant inventeur. Divers brevets sont déposés à cette époque dans différents domaines : optique (jumelles à grossissement variable), automobile (voiture à traction aérienne), ...
L'aéronautique n'est pas abandonnée : Ratier continue à vendre ses hélices et fabrique aussi, sous licence, des hélices conçues par Breguet, essentiellement pour les Breguet 19.
Les hélices en bois ont atteint leur apogée : pour améliorer leur rendement, il faudrait pouvoir faire varier leur pas à la demande. Plusieurs constructeurs ont essayé divers systèmes, sans réel succès. Chez Ratier, on y travaille aussi, comme le montrent quelques brevets de cette période de transition.


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C'est une époque où Paulin prospecte dans toutes les directions pour trouver du travail : il fabrique des carrosseries pour les voitures Leyat à hélice. Il obtient aussi des marchés pour le réaménagement de bateaux qui avaient été réquisitionnés par l'armée pendant la guerre. C'est ainsi qu'il fournit des menuiseries pour les paquebots Aurigny et Lutetia.
Nombre de constructeurs aéronautiques de la Grande Guerre se sont convertis à l'automobile. Mais c'est par la réalisation d'un jouet que Paulin rejoint cette nouvelle mode : en 1924, il dépose un brevet et la marque "Citroënnette" pour une voiture à pédales qui est une Citroën 5HP à échelle réduite. André Citroën est séduit et passe commande immédiatement. Plus de 3500 seront construites de 1924 à 1927 dont certaines à Figeac.


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A côté d'une 6 CV Ratier de course. Ratier ne s'est pas contenté de produire des voitures à pédales.
Dès 1926, une intéressante voiture de sport a été mise au point. Cette 6 CV de 748cm3 de cylindrée est une production entièrement Maison, moteur et carrosserie, avec des innovations techniques qui ont fait l'objet de brevets. Elle connaît plusieurs victoires en course aux mains de Boris Ivanovsky et de quelques autres pilotes, mais le succès commercial ne suivra pas.
Quant aux hélices, grâce au développement de l'aviation civile, à celui de l'Aéropostale en particulier, la demande existe et Ratier continue de fournir pour ce marché des hélices en bois.
Cependant, c'est sur les hélices métalliques que travaille désormais la Maison : c'est la solution la plus réaliste pour fabriquer les hélices à pas variable que réclament les augmentations de puissance des moteurs et les performances des avions (poids au décollage, vitesse en pallier, ...).


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Fête aérienne dans les anées 30. En 1928, Ratier commercialise une hélice métallique à pas réglable au sol. Cette avancée technique est rapidement suivie d'une autre, beaucoup plus importante : l'hélice à pas variable en vol. D'abord à deux positions (petit pas pour le décollage, grand pas pour la croisière), puis à variation continue à la volonté du pilote ou automatiquement.
C'est l'époque des succès sportifs pour la Maison Ratier : de nombreux records sont battus par des avions équipés de ses hélices.
Paulin et ses proches assistent parfois aux meetings aériens qui vont favoriser les succès commerciaux à partir des années 30.
C'est la grande époque de la Maison Ratier dont les hélices équipent la majorité des avions français.
Paulin ouvre plusieurs succursales en France et à l'étranger.


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Usine de Figeac-Ville à la fin des années 30. Quant à celle de Figeac, elle a connu d'importants aménagements. En 1924, les bâtiments de la scierie sont complètement modifiés et Joseph Longé, un ingénieur de 47 ans, est engagé pour diriger ce qui est en train de devenir une usine. Paulin y fait réaliser une partie de la production de Citroënnettes puis, dans les années 30, l'équipe pour produire des pales métalliques, précédant ainsi ce qu'on allait appeler la décentralisation.
Mais aménager l'usine ne suffit pas, il faut aussi des ouvriers qualifiés devant les machines. Si les ouvriers du bois, nombreux dans la région, peuvent facilement apprendre à tailler le Duralumin, les tourneurs manquent et il est envisagé de mettre en place un service de cars pour les amener à l'usine depuis Decazeville ou Villefranche-de-Rouergue et les ramener le soir chez eux.


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Paulin au banquet des Auvergnats de Paris en 1938. Paulin, qui s'est remarié avec une figeacoise, Gabrielle David, appréciait les copieux déjeuners de tradition auvergnate. Sortant rarement en dehors de ses obligations professionnelles, il aimait cependant retrouver ses racines en se rendant au banquet annuel des Auvergnats de Paris.
C'était pour lui l'occasion d'inviter ses proches collaborateurs avec leurs épouses, comme ici en 1938.
 


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Pose de la première pierre de l'usine de Ceint-d'Eau. D'abord pour décongestionner la région parisienne, puis par crainte d'une nouvelle guerre, le gouvernement conduit une politique de décentralisation des usines liées à l'armement. Ce mouvement s'accélère en 1938 et la Maison Ratier, devenu un acteur majeur de l'aéronautique, est bien sûr concernée.
Jean-Louis Malvy et Anatole de Monzie œuvrent pour que ce soit à Figeac que s'implante la nouvelle unité de production. Après bien des tractations, le 13 avril 1939, la première pierre de la nouvelle usine Ratier est posée à Ceint-d'Eau, en bordure ouest de Figeac.
Paulin, qui logeait chez lui ses premiers compagnons à Malakoff, sait bien que c'est en offrant un cadre de vie agréable qu'on retient les meilleurs. Il fait construire à Figeac un ensemble de pavillons sur des plans très modernes pour l'époque afin d'accueillir les futurs cadres et dirigeants.


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Paulin Ratier dans son jardin. Le 21 juillet 1939, Paulin Ratier décède brutalement à l'âge de 64 ans.
 
Il laisse le souvenir d'un homme dur mais juste, qui aimait les choses "carrées". À la vie mondaine, il préférait son jardin où il avait un potager auquel il tenait beaucoup. Malgré sa réussite, il était resté simple mais intransigeant. Il était chevalier de la Légion d'Honneur.
Lorsqu'il termina sa première hélice, en noyer, il dut ressentir la fierté de celui qui réalise un travail nouveau et le réussit. L'aviation débutait. Par un travail acharné, un esprit inventif et un remarquable sens de l'organisation, Paulin Ratier obtint des commandes des pionniers de l'aéronautique. Il allait l'accompagner tout au long de sa vie, innovant sans cesse pour être au plus près de son évolution.
Plus de 80 ans après, l'entreprise qu'il a créée à Ceint-d'Eau existe toujours. Devenue Ratier-Figeac en 1954, puis passée sous contrôle américain, elle est maintenant un leader dans le monde des équipementiers de l'aéronautique. Et elle fabrique toujours des hélices.


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Texte : © Pierre-Michel Decombeix et Yves Sounillac
Origine des images (de haut en bas) :
1, 6, 10, 13* et 14 : collections particulières,
2 : carte postale ancienne,
3, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 15 et 16 : archives Ratier,
4 : reproduction d'une affiche de mobilisation.
*Photo retouchée
 
Version de la page : 23/11/2023.

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