Les motos Ratier.

 

À la fin de la deuxième guerre mondiale, l'occupant avait abandonné en France des motos BMW et surtout un important stock de pièces détachées et de matériel.
Pour les utiliser, avait été créé le Centre de Montage et de Réparation (CMR) au sein duquel l'ingénieur Jacques Dormoy, ancien de l'Ecole Breguet, entreprend de fabriquer une nouvelle machine à partir d'éléments de différents modèles allemands. Malheureusement, suite à des problèmes de gestion, le CMR dépose son bilan. Une nouvelle entité, le Centre d'Étude de Moteurs à Explosion et Combustion (CEMEC), reprend le stock et sort, en 1951, la fameuse L7, une 750 cm3 à soupapes latérales.
Malgré l'existence d'un marché à destination des administrations, cette société fait faillite à son tour au bout de deux ans.


* * *
 

Les services officiels se retrouvent alors avec un parc de près de 1 500 motos Cemec dont ils souhaitent, logiquement, assurer la maintenance.
À cette époque, la Maison Ratier vient de finaliser sa scission en deux sociétés distinctes, l'une à Figeac qui devient Ratier-Figeac en 1954, l'autre en région parisienne, Ratier Aviation Marine (RAM).
La recherche d'un repreneur conduit le Ministère à contacter RAM, considérée comme capable d'assurer non seulement la poursuite de la maintenance, mais aussi la fabrication de certaines pièces dont le stock était épuisé ou en vue de l'amélioration des modèles.
Ratier reprend donc les activités du CEMEC ainsi qu'une partie du personnel. Les premières motos sortent d'usine en avril 1955, certains éléments étant produits par Ratier. La seule modification par rapport au modèle initial est la mise en place d'un nouveau réservoir portant la griffe Ratier.


* * *
 

En 1959, RAM devient un département de la CSF (Compagnie générale de télégraphie Sans Fil). La CSF reprend l'étude en cours concernant un moteur de 600cm3 destiné à équiper un nouveau modèle.
La production totale des L7 est alors de 1 035 motos, un résultat plutôt modeste. De plus, la Gendarmerie Nationale s'en désintéresse et passe des commandes chez BMW, en Allemagne, jugeant que la L7 est de conception trop ancienne.
Seul le ministère de l'Intérieur fait alors figure de client potentiel pour une série nouvelle, soit environ 1 200 motos pour les CRS.
Les créateurs de la Ratier C6S, "gros cube" 100 % français, estiment cependant que le marché potentiel, particuliers mis à part, est de 8 000 exemplaires : aux 1 200 des CRS, ils ajoutent 7 000 machines, faisant l'hypothèse que la gendarmerie changerait d'avis en faveur du constructeur français suite à la sortie de ce nouveau modèle.


* * *
 

Cette moto de 600 cm3 est l'aboutissement d'une étude qui avait été commencée du temps du CEMEC. Ce modèle, comme le précédent, emprunte beaucoup à BMW : le moteur a de nombreux points communs avec celui de la R75 "Russie" tandis que la partie cycle et la boîte de vitesse sont pratiquement identiques à celles de la R71. La C6S présente cependant des points originaux qui sont autant d'atouts : la suspension arrière oscillante munie d'amortisseurs Lelaurin et le très efficace frein avant double came de 200mm sont les plus marquants.
Ces caractéristiques attrayantes ne permettent cependant pas de convaincre la gendarmerie. Dans une conjoncture défavorable, Ratier estime alors que la production annuelle à destination des particuliers, atteindrait tout au plus 500 exemplaires, ce qui serait notoirement insuffisant pour rentabiliser l'opération.


* * *
 

Ce constat ne sonne pas pour autant le glas de la C6S. En effet, au même moment, la société CSF, qui jouxte Ratier à Montrouge, cherche à s'agrandir et décide de racheter les ateliers Ratier, ce qui va assurer la poursuite de la production de la C6S pendant quelque temps. Au total, de juillet 1960 à décembre 1962, CSF va en livrer 1 057 exemplaires sous les numéros 40001 à 41065. Une C6S radio, équipée d'un émetteur-récepteur, est également mise au point et utilisée par la 1re compagnie de CRS.
Devenus clients inconditionnels de BMW, les gendarmes, on l'a vu, se détournent de la production nationale mais CSF déploie des efforts méritoires pour prendre pied sur le marché civil français et, parallèlement, tente de s'imposer à l'international.


* * *
 

Pour ce qui est de la vente aux particuliers, les encarts publicitaires dans Moto-Revue, la seule revue spécialisée à l'époque, témoignent de ces tentatives d'aborder le marché du grand public. On y découvre l'existence, à côté de la C6S de 600 cm3, d'un autre modèle de 500 cm3 de cylindrée. Il s'agit en fait d'un prototype conçu pour la course, la C5GS, dont seuls trois exemplaires ont été construits.
Aux mains d'André Nebout, le pilote "Maison", les résultats obtenus en course n'ont malheureusement pas permis une promotion efficace du seul modèle vraiment commercialisé, la C6S, très chère il est vrai. Le slogan "La technique de l'aviation au service de la motocyclette" n'a pas convaincu les acheteurs potentiels qu'il fallait aussi en payer le prix.


* * *
 

Pour le marché international, d'autres versions sont étudiées, notamment un modèle baptisé "America" présenté dans le cadre d'une exposition qui se déroule en 1961 à Laconia, dans le New Hampshire. La même année, une version radio est présentée lors d'un salon qui se tient à Moscou.
C'est Michel de Thomasson qui fut à l'origine de la poursuite de la construction des motos Ratier par CSF quand il était l'un de ses dirigeants. Il a suivi de près l'activité motos de Ratier depuis 1959 jusqu'à l'arrêt complet de la fabrication en décembre 1962.
À cette époque, CSF avait reçu des contrats importants dans le domaine des radars et souffrait d'un manque de place dans ses usines. Ajouté à la défection de la Gendarmerie et à l'insuffisance du marché civil, cet arrêt était inévitable.


* * *
 

Bien plus tard, L7 et C6S retiendront l'attention des amateurs, grâce aux motos rétrocédées par l'administration des Domaines. Ces passionnés sont regroupés au sein d'une association baptisée Cemec-Ratier Club de France. Ils possèdent aujourd'hui plus de 300 motos devenues des pièces de collection. Cette association constitue l'un des centaines de clubs regroupés au sein de la Fédération Française des Véhicules d'Époque, elle-même adhérente à la Fédération Internationale des Véhicules Anciens. Celle-ci fut présidée de 2001 à 2007 par Michel de Thomasson dont les écrits à propos de Ratier nous ont servi de base pour une partie de ce texte.
Deux C6S, soigneusement rénovées, occupent une place de choix dans le patrimoine de l'Association des Amis de Paulin Ratier. Sur la photo : André Jougounoux, Philippe Barathieu, Jean-Claude Roques, Thierry Courbières, Géry Lempereur, Pascal Matt et Jean-Louis Blanc avec une des deux C6 qu'ils ont restaurées en dehors de leur temps de travail, mais dans les locaux et avec l'aide de l'entreprise Ratier-Figeac.


* * *
 

 

Texte : © Pierre-Michel Decombeix et Yves Sounillac
Origine des images (de haut en bas) :
1 : dépliant publicitaire CEMEC,
2, 3, 5 et 7 : archives Ratier,
4 : archives Jacques Dormoy,
6 : publicité parue dans Moto-Revue n°1463 (31/10/59),
8 : JP Trébosc.
 
Version de la page : 23/07/2011.

Merci de mentionner la source si vous copiez ce texte et/ou ces images
Valid HTML 4.01 Transitional
Pour toute question ou information sur cette page, veuillez suivre ce lien
ou cliquer sur l'image de l'enveloppe en haut à droite de cette page.

 
Retour en haut de la page
PAGE D'ACCUEIL
La voiture Ratier 6CV
Les vélos Héra
Les motos Ratier (L7, C6, ...) : page actuellement affichée
PLAN DU SITE
La Citroënnette
La voiture à hélice
Les hélices Ratier en bois
Les hélices Rapid
Les ébénisteries pour appareils électriques
Paulin Ratier
Les hélices Ratiermétalliques
Archives
Nous recherchons...
Contactez-nous
Liens externes