La voiture Ratier 6 CV.
En 1926, avec la sortie d'une 750 cm3, Ratier se lance dans la construction automobile dans le cadre de ses tentatives de diversification. Elle est dévoilée le 16 mai de cette année-là à l'occasion du Circuit des Aviateurs.
Le catalogue de l'époque présentait différentes versions de carrosseries pour habiller ce châssis : torpédo sport, torpédo tourisme (deux places, 130 km/h) et berlinette tourisme fermée à trois places. Il pouvait aussi être vendu à l'état de châssis nu (plan ci-contre), laissant au client le soin de le faire carrosser.
Le châssis, de 2,50 m d'empattement et 1,10 m de voie, affiche un poids de 350 kg.
La voiture, exposée au Grand Palais de Paris à l'occasion du salon de l'automobile de 1926, fait immédiatement ses preuves en course aux mains de Boris Ivanovsky, le "pilote maison".
Serge Pozzoli, dans la revue Le Fanauto n°233 (mars 1988), présente ce modèle comme une petite bombe, peut-être trop en avance et dont le moteur était une belle étude malheureusement sans descendance.
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A droite sur l'image, Paul Dreptin, aux essais du moteur de la 6 CV de 748 cm3 de cylindrée. Passionné de mécanique, il est l'initiateur de cette réalisation, intégralement fabriquée chez Ratier à l'exception des accessoires et du compresseur optionnel.
Ce quatre cylindres en ligne de 60 mm d'alésage et de 66 mm de course est un bloc moteur fondu en une seule pièce (moteur borgne), doté d'un arbre à cames en tête commandé par un arbre vertical et renvoi conique. Le vilebrequin est monté sur roulements à billes et les bielles tubulaires sur rouleaux. Ce moteur est accouplé à une boîte à trois vitesses et il est prévu de l'équiper, en option, d'un compresseur Cozette.
Il a fait l'objet de deux brevets en 1926, le n°FR 617.487 concernant un dispositif de commande des soupapes et le n°FR 616.936 concernant le système de fixation du radiateur rendu indépendant de la carrosserie.
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C'est le grand jour ! On peut reconnaître Pierre et René Ratier, Paul Dreptin, Boris Ivanovsky et Jules Deshayes au sein de l'équipe Ratier qui pose derrière un torpédo encore en immatriculation provisoire ("W") devant l'atelier de l'usine de Montrouge.
La voiture est très élégante et fera l'objet de deux articles dans la luxueuse revue automobile Omnia.
Les premiers exemplaires présentent un système de suspension original et breveté (n°FR 616.979) qui consiste à relier le train arrière au véhicule en un point unique situé tout à fait à l'arrière du châssis. Ce système aurait cependant été abandonné par la suite d'après les écrits de Serge Pozzoli.
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C'est au Bol d'Or 1926 que la 6 CV acquiert sa notoriété. Elle remporte ensuite la course de côte du val Suzon en catégorie Sport et se classe dans la catégorie Touriste à l'occasion de la course de côte de Saint-Alban.
La "Ratier", comme disent tout simplement les passionnés, remporte d'autres victoires. Ainsi, lors de la semaine de Comminges, la vaillante 6 CV obtient la première place dans le kilomètre lancé Touriste et se classe dans la catégorie toutes cylindrées dans l'escalade du col de Peyserourde. Au meeting international de Boulogne-sur-Mer, elle accumule les succès, à commencer par la première place dans l'épreuve du mille en côte départ arrêté, catégorie Touriste, et la course de six kilomètres, également en Touriste. Enfin, elle obtient une très honorable troisième place au classement général du grand prix international des voitures de la catégorie des 750.
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Au Bol d'Or 1927, ce sont trois voitures qui sont engagées, une en catégorie Course pilotée par Boris Ivanovsky et deux en Sport avec Communier et Henry qui finissent premier et deuxième. Sur la photo, on reconnaît Paulin Ratier (au milieu, de face), ses deux fils (à gauche) et le pilote Communier, à droite.
D'autres victoires suivront, par exemple avec Ivanovsky à la coupe de l'Armistice. A noter aussi la participation d'une Ratier, pilotée par Samuelson, aux 200 milles de Brooklands en octobre 1927.
Les excellentes performances de la Ratier 6 CV ont permis de nombreuses victoires sportives mais ne se concrétisent pas commercialement : les ateliers de Montrouge ne produiront, à notre connaissance, que 19 exemplaires de ce petit bolide.
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A partir de 1928, une Ratier revue est carrossée par Grazide continue de participer à différentes épreuves.
On trouve jusqu'en 1931 dans la presse spécialisée mention de quelques victoires de Vinatier et de Communier sur 750 Grazide.
En 1929, Paulin Ratier décide d'arrêter la fabrication et de mettre un terme à sa participation à des courses automobiles. C'est une aventure peu banale qui se termine ainsi, Paulin Ratier ayant décidé de consacrer l'essentiel de ses efforts à l'étude de l'hélice à pas variable, qui semble promise à un grand succès.
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La 6 CV est la pièce maîtresse de la collection rassemblée par les Amis de Paulin Ratier.
Elle a été acquise par l'association à l'état de châssis nu lors de la dispersion de la collection Pozzoli.
Après examen des plans et des photographies disponibles, l'équipe qui s'était proposée pour la restaurer a choisi de restituer la version torpédo, qui semblait la plus conforme à l'esprit du véhicule. C'est ainsi que Jean-Louis Blanc, Georges Bousquet, Michel Caniac et Roland Rembault ont été amenés à fournir gracieusement plus de 2500 heures prises sur leur temps de loisir avant de pouvoir faire le tour de l'usine à bord de cet unique exemplaire connu.
Tous ces travaux de restauration ont été effectués à l'intérieur de l'entreprise Ratier-Figeac qui a également apporté logistique et aide financière.
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Texte : © Pierre-Michel Decombeix et Yves Sounillac
Origine des images (de haut en bas) :
1, 2, 3 et 5 : archives Ratier,
4 et 6 : archives famille Dreptin,
7 : JP Trébosc.
Version de la page : 13/06/2011.